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  • Photo du rédacteurCatherine Lauzon

VERS UN MODÈLE DIFFÉRENT: DÉNOMBREMENT FLOTTANT ET COENSEIGNEMENT

Pourquoi est-ce que je ne reviendrais plus à un modèle d’orthopédagogie sans coenseignement ? Les raisons sont multiples autant d’un point de vue personnel que professionnel.

Ce qui m’a d’abord amené à travailler comme orthopédagogue en dénombrement flottant (sous-groupe à l’extérieur de la classe) était l’aspect privilégié que nous avons en contexte de sous-groupes avec les élèves. Contrairement à mes collègues titulaires de classe qui sont davantage contraints par un « programme » à respecter, en dénombrement flottant, les objectifs d’apprentissage peuvent plus facilement respecter le rythme d’apprentissage de chacun. Ainsi, les objectifs d’apprentissage et/ou de rééducation sont ciblés en fonction des difficultés des élèves et permettent de répondre à leurs besoins. Ces avantages sont nommés dans diverses études portant sur l’intervention individuelle et en sous-groupe pour les élèves en difficulté. Le plus petit ratio permet ainsi à l’orthopédagogue d’adapter son enseignement, de mettre l’attention sur les élèves et de s’assurer qu’un contenu est maitrisé avant de passer au contenu suivant (CTREQ, 2018, p.27). Cela dit, rapidement dans ma carrière, je me suis butée aux difficultés et contraintes que représentait ce type de modèle dit de co-intervention externe (Tremblay, 2015a, p.34).

Source de l’image : CTREQ, 2018, p.26


Des défis et des limites associées à mon rôle d’orthopédagogue en dénombrement flottant


L’une des contraintes du dénombrement flottant que j’ai rapidement observé dans ma pratique a été la difficulté de transfert entre ce qui était travaillé avec moi et ce que l’élève était capable de faire de retour en classe. Il m’est arrivé tellement de fois, en discutant avec l’enseignant titulaire d’un élève, d’être enthousiaste et si fière de la progression de celui-ci pour finalement réaliser que les acquis que j’avais pourtant observés dans mon local semblaient si difficilement transférés dans le contexte de la classe, comme si les progrès s’effaçaient une fois le cadre de ma porte franchie. Également, il m’était parfois difficile de mesurer la nature des difficultés d’un élève, car le portrait que je dressais de ce dernier était établi à partir d’observations dans un contexte différent de la classe.


D’un point de vue plus personnel, je trouvais que mes journées en dénombrement flottant finissaient par être redondantes. Étant donné que je travaille principalement avec les élèves du préscolaire et de la première année, mes sous-groupes de besoins ciblaient sensiblement les mêmes objectifs. J’avais donc l’impression de répéter souvent le même contenu. C’est rassurant lorsque nous débutons dans la profession et cela offre un sentiment de compétence plus rapide, mais rapidement je me suis lassée de répéter sans cesse le même contenu et les mêmes activités au cours d’une journée ou d’une semaine. Dans le même ordre d’idées, j’avais d’autres intérêts comme l’intégration de la littérature jeunesse dans mon enseignement ou la mise en place de projets d’écriture plus signifiants, ce qui dans le cadre d’une organisation de co-intervention externe était plus difficile à mettre en place. J’avais envie davantage de variété et de travailler plus largement certaines compétences disciplinaires.


Vers un modèle différent : Dénombrement flottant et coenseignement


Lors de l’arrivée des différentes mesures ministérielles, dont « Partir du bon pied », il y a quelques années, dans mon milieu scolaire, nous avions une enseignante qui allait exclusivement en classe et une orthopédagogue qui travaillait exclusivement en contexte de dénombrement. L’année suivante, nous avons proposé de séparer différemment la tâche de sorte que les deux intervenants travailleraient dans les deux contextes, mais auprès d’un moins grand nombre de groupe-classe. Nous avions proposé cela de sorte à faciliter le transfert de connaissances pour les élèves en difficulté en plus d’établir plus facilement un lien d’attachement avec les différents élèves, car nous pouvions travailler avec ceux-ci autant en classe qu’en situation de sous-groupe à l’extérieur de la classe. Nous tentions, par la même occasion, de répondre à certaines limites observées dans le cadre de la co-intervention externe.


L’objectif de ce modèle est d’une part de maintenir le plus possible les élèves au sein du groupe-classe. De ce fait, les élèves ciblés pour travailler en sous-groupe de besoins sont en moins grand nombre et sont souvent ceux en très grandes difficultés qui nécessitent une intervention plus directe. C’est d’ailleurs une des limites mentionnées dans la littérature lorsque le coenseignement est l’approche exclusive (Tremblay, 2015b). D’autre part, l’utilisation du coenseignement permet d’améliorer la qualité de l’enseignement à tous les élèves.


Bien entendu, le coenseignement pose son lot de contraintes, de difficultés et de limites, puisqu’aucun modèle n’est malheureusement parfait. Par ailleurs, au cours des années j’ai pu constater des avantages à travailler dans un contexte de coenseignement, et ce, autant du point de vue de l’orthopédagogue que du point de vue de l’enseignant titulaire.


De prime abord, le fait de coenseigner en classe m’a permis d’avoir une meilleure compréhension du contexte de la classe ordinaire que ce soit sur le plan des contenus à enseigner que des exigences relatives à celle-ci. Ainsi, lorsque l’on travaille dans un contexte de dénombrement flottant à l’extérieur de la classe, on finit par perdre de vue ce « qu’est une classe ordinaire » et les attentes relatives à celle-ci. C’est d’ailleurs une remarque que plusieurs collègues m’ont mentionnée en discutant avec celles-ci et qu’elles appréciaient du coenseignement. Cela m’a, par le fait même, permis de mieux cibler la nature des difficultés de certains élèves en les voyant interagir dans le contexte de la classe. Inversement, j’étais à même de mieux outiller mes collègues enseignants sur les moyens à mettre directement en classe pour pallier les difficultés chez certains élèves. Ensuite, le fait de travailler en collaboration plus étroite avec les enseignants nous permet, à mon avis, d’arrimer nos pratiques éducatives. Ainsi, cela facilite l’utilisation d’outils, de référentiels et de vocabulaire semblables, ce qui favorise le transfert des connaissances et la compréhension des élèves. De cette façon, même si nous poursuivons certaines périodes en contexte de dénombrement flottant à l’extérieur de la classe, le fait d’utiliser les mêmes termes et les mêmes outils qu’en classe facilite le transfert dans les deux contextes de l’intervention. Finalement, le coenseignement nous permet de répondre aux besoins d’un plus grand nombre d’élèves. Ainsi, même si un élève n’est pas ciblé dans un sous-groupe spécifique de besoins, il peut bénéficier de l’aide en classe. Les enseignants m’ont mentionné cet aspect positif du coenseignement. Il est également plus facile de mettre en place des pratiques éducatives qui sont parfois plus difficiles à mettre en classe lorsque nous sommes seules. Ainsi, les enseignants apprécient fortement la présence de l’orthopédagogue en classe dans des activités où la demande en rétroaction est grande comme les activités d’écriture ou les ateliers. De part et d’autre, nous apprécions également les idées nouvelles de nos collègues. Le fait de travailler à deux permet ainsi de découvrir de nouvelles façons d’aborder une notion par exemple, ce qui permet de faire évoluer nos pratiques professionnelles.


D’un point de vue plus personnel, le coenseignement me permet de travailler les compétences au sens plus large. Par exemple, en contexte de dénombrement flottant en première année, je travaille spécifiquement l’identification des mots avec les élèves en grandes difficultés alors qu’en classe, nous travaillons la lecture dans un contexte plus large en parlant des stratégies de décodage, mais également de compréhension. De ce fait, l’animation en classe me permet d’intégrer des intérêts pédagogiques comme l’intégration de la littérature jeunesse ou les ateliers d’écriture. Ce sont des intérêts qui sont plus difficiles à intégrer dans un contexte de dénombrement flottant. Le coenseignement me permet aussi de participer à certains projets pédagogiques dans le cadre de la classe et de développer des liens d’attachement d’une autre façon avec les élèves. Ainsi, je trouve que j’ai moins de redondance dans mes interventions, car en plus de m’adapter aux élèves, je m’adapte aux besoins de la classe, mais également au style d’enseignement de la collègue avec laquelle je travaille. Je ne fais donc pas nécessairement les mêmes activités d’une classe à l’autre. Finalement, coenseigner me permet d’élargir l’éventail de mon champ de compétences en plus d’avoir la chance de participer à une multitude de pratiques variées selon l’enseignant avec qui je travaille, ce qui constitue une richesse en soi.



Pour aller plus loin

De la théorie à la pratique.


Dans son dossier sur la collaboration entre enseignants et intervenants en milieu scolaire, la CTREQ (2018) propose une grille (p.42) pour aider à planifier la co-intervention.







Petite vidéo qui résume ce qu'est le coenseignement ainsi que certains effets bénéfiques de celui-ci.








Références :

Angelucci, V. et Benoit, V. (2011). Réflexions autour du concept de coenseignement en contexte inclusif. Éducation et francophonie, 39(2). 105-121.


CTREQ (2018). Projet Savoir : La collaboration entre enseignants et intervenants en milieu scolaire (2e éd.). Québec : Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec.


St-Laurent, L. et al. (1995). Programme d’intervention auprès des élèves à risque : une nouvelle option éducative. Montréal : Gaëtan Morin Éditeur.


Tremblay, P. (2015a). Le coenseignement : condition suffisante de différenciation pédagogique ? Formation et profession, 23(3). 33-44.


Tremblay, P. (2015b). Le coenseignement et l’inclusion scolaire : Pertinence et pratiques enseignantes. Document téléaccessible à l’adresse <https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01183008/document>



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